ÉTIENNE DUMONT 22 Août 2008 00h04 - Tribune de Genève
Celui qui a été le premier à entrer au MoMa et au Louvre aurait 100 ans aujourd'hui.
C'était le photographe de dos. S'il a pris des milliers de photos durant sa longue carrière, Henri Cartier-Bresson détestait se retrouver face à l'objectif. Autant dire que les quelques images subsistant de lui ont généralement été volées.
Ce n'était pas l'unique paradoxe de l'homme, qui aurait fêté ce vendredi 22 août ses 100 ans. L'anniversaire n'a pas été annoncé aux grandes orgues. Le jour précis se niche au coin d'une dépêche de l'Agence France Presse. L'intéressé se contentait de donner l'année: 1908. Le site de sa Fondation n'insiste donc guère. Il faut parcourir ses ramifications pour en savoir davantage. On ne contrarie pas les volontés de Dieu.
C'est bien comme un dieu monolithique qu'apparaît celui qui a réformé la photo de reportage avant de dangereusement la scléroser. Henri Cartier-Bresson n'a jamais dévié de la ligne qu'il s'était fixée. Avec lui, pas de 8e art. La photographie devait rester objective. Aucune retouche. Nul recadrage. Pas de mise en scène. Un zeste à peine de sentiment personnel. La vérité, rien que la vérité. Tout consistait à appuyer sur le bouton lors de «l'instant décisif». Le cadrage devait se trouver d'instinct.
Cartier-Bresson avait mis, lui, du temps à se trouver. Celui qui jouait volontiers les communistes de choc était né (comme son aîné Jacques-Henri Lartigue!) dans l'une des plus riches familles de France. Il pouvait se permettre de débuter en dilettante. Le jeune homme tâta ainsi de la peinture avant de parcourir le monde. Ses premières photos remontent à son séjour en Côte d'Ivoire. Nous sommes fin 1931. L'année suivante, Cartier-Bresson achète à Marseille son Leica. Cet appareil léger lui donnera des ailes. Pour ses collègues, souvent encore empêtrés dans leurs plaques, le débutant deviendra du coup l'incarnation de la modernité.
Les icônes des années 30
Bourlinguant toujours, Cartier-Bresson accumule dès lors les honneurs qui ne le quitteront jamais. Exposé dans une prestigieuse galerie new-yorkaise dès 1933, l'artiste (un mot qu'il refusait!) sera le premier photographe à entrer au MoMa ou au Louvre. Le premier artiste enterré sur la première page du Monde en 2004. «Un honneur auquel n'avait pas eu droit Matisse ou Picasso», se rengorge la directrice de la Fondation Cartier-Bresson, sans penser que c'est pour Le Monde qu'on se sent ainsi gênés.
Dès lors, toutes les conditions semblent requises pour que Cartier-Bresson devienne «le photographe du siècle». C'est bien sûr lui que Pierre Assouline choisit en 1994 pour incarner la photo dans ses biographies sur les pionniers des temps modernes. Faut-il adhérer à cette idée? Oui, mais avec des nuances. Dans les années 1930, Cartier-Bresson a bien codifié le reportage. Son talent a su mettre de l'ordre dans le désordre. D'une lecture immédiate, ses images superbement composées d'a-vant-guerre peuvent ainsi prétendre au titre d'icônes. Elles ne sont cependant pas les seules. Dans un genre proche, André Kertész a fait aussi bien.
Merci à Yves Ouellette pour l’information
vendredi 22 août 2008
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